Nos fiches pédagogiques s'articuleront autour d'ateliers faisant échos à différentes créations numériques, que nous vous avons présenté un peu plus tôt. Afin de mieux comprendre la démarche de chaque auteurs, nous les avons interviewé.
// GRAPHOMANIE // Marie Boissel et Cédric Doutriaux
> En
quoi consiste votre œuvre?
Pour
cette réalisation artistique qui répond à une sollicitation venant
d'une revue de poésie en ligne (ce qui secret), j'avais envie de
réaliser une transposition graphique pour répondre au Eric Pessan
« Maintenant le oui ».
Il
s'agit d'une animation qui rend présente le son de l'énergie de
l'écriture et en exploite les caractéristiques pour générer des
signes graphiques qui occupent progressivement l'espace blanc de
l'écran pouvant évoquer celui de la feuille. Entre
le dessin et l'écrit, se forme un réseau de filaments organiques
et sa condensation progressive nous donne à voir un tissus de
circulation d'énergie.
La
présence du son est porteuse de sens dans ce travail pour moi car
ses variations rythmiques organisent les signes, elles appartiennent
à une individualité qui a sa propre gestuelle, son énergie
d'écriture.
>
D'où vous est venue cette idée?
L'idée
m'est venue en réaction au texte d'Eric Pessan « Maintenant le
oui » qui met en valeur pour moi la frénésie de l'écrivain
qui livre ses pensées spontanément et cela sur une durée de
plusieurs pages.
Je me
suis amusée à recopier son discours mot pour mot , en essayant
d'approcher l'état d'esprit dans lequel il a pu écrire à ce moment
là mais la captation sonore par le biais d'un crayon sur lequel
j'avais fixé un micro devait d'abord renvoyer une énergie, une
interprétation
sensible du texte ( mettant finalement de coté le contenu du texte).
> À
quel questionnement personnel se rattache-t-elle?
En tant
que plasticienne j'ai principalement développé un travail autour de
la photographie depuis plusieurs années et de sa relation à la
mémoire des lieux (voir site : http://www.boisselmarie.net).
L'évolution des lieux à travers la mémoire et mon travail de
reconstruction en photomontage n'est pas si éloigné d'un travail
d'écriture automatique en quelque sorte. Je pense que ma recherche
artistique se nourrit aussi d'un aller-retour entre le son et l'image
notamment dans des séries rythmiques et graphiques.
>
Comment l'avez-vous réalisé?
Le premier temps du projet à été
d'enregistrer les gestes et l'état physique de l'acte d'écrire.
Recopier le texte pour faire émerger ses variations rythmiques,
donner à entendre la dynamique de l'écrit.
Cette matière sonore issue du texte a
ensuite servi de support pour un graphisme génératif
plus abstrait, plus proche du dessin. La tonalité du son et sa force
sont analysés par le programme pour guider les déplacements et
l'épaisseur d'un trait. Nous avons fait de nombreux essais avec
Cédric Doutriaux qui a combiné l' interprétation du son : des épaisseurs de traits
particulières, des subtilités de transparences et une lisibilité
du geste en direct...
Il était important pour nous de
rendre l'effet d'accumulation que produit l'écriture au bout d'un
certain temps.
>
A-t-elle déjà été diffusée auprès d'un public?
Cette
réalisation a été mise en ligne sur le site de « ce qui
secret » qui est une revue de poésie en ligne. Catherine
Lenoble m'a contacté pour apporter ma contribution en réponse du
texte d'Eric Pessan qui avait été choisi au préalable.
> À
votre connaissance, une médiation a-t-elle déjà été organisée
autour de votre œuvre, des ateliers ont-ils été mis en place?
non
>
Quelle définition donneriez vous de l'art numérique?
Marie :
Pour moi l'Art numérique rassemble des pratiques liées aux outils
de productions numériques, il nécessite des dispositifs techniques
plus ou moins lourds suivant la manière dont il est présenté au
public.
Pour moi
son espace de diffusion est différent de celui des Musées ou
institutions, il est davantage lié à des évènements, à internet,
il est moins « classifiable » et est parfois
«transgenres ».
C'est un
art qui est issu d'une logique du détournement et d'appropriation
des technologies par les artistes.
Pour moi
un artiste doit pouvoir prendre du recul sur ses moyens de
productions : qu'il utilise la vidéo, la programmation, la
peinture ou l'écriture.
L'Art
numérique est parfois difficile à cerner, il croise la science, la
technologie, peut séduire ou se révéler critique.
Cédric :
Je ne sais pas si on peut vraiment parler d'un art purement numérique.
En tous
cas, les techniques numériques, en facilitant la construction de
dispositifs interactifs ont contribué à l'évolution de l'oeuvre
d'art, tombée de son pied d'estale et moins sacralisée, enfin
accessible, voire tactile. Dans la mouvance de Duchamp, Fluxus, qui
montraient que tout est art et que tout le monde est artistes.// WIKIKIRC // Olivier Baudu
> En quoi consiste votre œuvre?Il est important de préciser que nous sommes plusieurs à avoir travaillé dessus et qu'il existe deux versions de cette création.
Une version totalement numérique (http://vimeo.com/36695516) et une version avec un pendant mécanique (http://vimeo.com/54803321).Les créateurs sont Benjamin Cadon, Sylvain Blocquaux, Pascal Rouet, Philippe Coudert, Anthony Templier, Serge Pierre et Olivier Baudu.
L'installation "WikikIRC ou La sonification de Wikipedia" consiste à "écouter" le flux des modifications opérées en temps réel sur la partie francophone de la fameuse encyclopédie collaborative Wikipedia (http://fr.wikipedia.org).Un robot poste en effet toutes les modifications opérées sur les sites Wikipedia propres à chaque langue sur un canal de discussion en direct (un canal "IRC"). Pour cette installation, un programme informatique transforme ensuite ce flux de texte et de savoirs en données sonores audibles, révélatrices de l'activité qui s'épanouit quotidiennement sur cette encyclopédie participative.
Wikipedia est aujourd'hui l'emblème d'une dynamique d'intelligence collective, avec ses réussites et ses travers, mais qui se traduit en tous cas par un succès publique incontestable et le versement de pans entiers de la connaissance sous un régime de droit d'auteur libre. Rendre compte « musicalement » du fruit de ce processus collaboratif nous semblait intéressant tant il en rend la frénésie du rythme des modifications plus lisible tout en questionnant les visiteurs sur les détournements possibles que permettent la mise en réseaux publiques de données.
> D'où vous est venue cette idée?
Tenter de produire de la "musique" avec des images, de la vidéo, du mouvement est une activité qui nous gratte pas mal le bulbe au Labomedia. Quand nous avons appris l’existence du canal IRC de Wikipedia, sans ce concerter, nous avons été deux à essayer de lui faire jouer du piano... Au final, en mettant bout à bout nos travaux, nous avons réussi à obtenir ce qu'on voulait...
> À quel questionnement personnel se rattache-t-elle?À l'idée qu'il existe une mélodie secrète ( http://www.trinhxuanthuan.com/melodie.htm ) et qu'il est de notre devoir de la chercher, à défaut de la trouver...
> Comment l'avez-vous réalisé?Nous avons documenté la première version en vrac ici :
http://wiki.labomedia.org/index.php/WikikIRC
La seconde version est en cours de documentation, mais en gros, une RaspberryPi écoute le canal IRC via un port ethernet et pilote 52 servomoteurs via des contrôleur à LED.
Les servos moteurs actionnent des marteaux de piano qui appuient alors sur les touches d'une autre piano. Une fois le mécanisme déterminé, on a bloqué une semaine de notre temps, et on s'y est collé...
> A-t-elle déjà été diffusée auprès d'un public?La première version a été créée à l'occasion du colloque des « Futurs de l'écrit », à l'Abbaye de Noirlac, où elle a été montrée la première fois. Ainsi qu'à l'exposition "libre expression" en 2012 à Checy.La seconde version a été exposée durant une semaine au conservatoire d'Orléans dans le cadre de "Orlanoïde 1.0" et a fait l'objet d'un concert en accompagnant la chanteuse lyrique Élodie Calloud.
> À votre connaissance, une médiation a-t-elle déjà été organisée autour de votre œuvre, des ateliers ont-ils été mis en place?Il y a eu une médiation pour Orlanoïde, mais aucun atelier n'a été mis en place.
> Quelle définition donneriez vous de l'art numérique?Un moyen de faire l'Amour par le bit avec l'humble l'objectif de sauver l'Humanité d'une singularité technologique (http://fr.wikipedia.org/wiki/Singularit%C3%A9_technologique ) qui pourrait ne pas tourner en notre faveur ;-)